Le président Emmanuel Macron a présenté sa vision de l’Europe lors d’un discours à l’Institut Nexus de La Haye le 11 avril. Sa doctrine de sécurité économique pour l’Union européenne met l’accent sur la souveraineté européenne. L’UE devrait avoir sa propre politique économique et étrangère. « L’Europe doit être un créateur de règles et non un preneur de règles. » Les MSM n’ont pas perdu de temps sur la vision de Macron pour l’Europe.
Diana Mautner Markhof
2 mai 2023
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Le président français Emmanuel Macron a prononcé un discours à l’Institut Nexus de La Haye le 11 avril lors de sa visite d’État aux Pays-Bas. Son message n’a pas été bien accueilli par les États-Unis et leurs fidèles partisans. Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, en particulier, s’est empressé de rejeter la vision de M. Macron et de renforcer les liens de la Pologne avec Washington lors de sa visite aux États-Unis le jour du discours de M. Macron. Morawiecki a déclaré que « la Pologne est le leader de cette nouvelle Europe », sous-entendant que la « vieille » Europe, à laquelle appartiennent la France et l’Allemagne, ne parle plus au nom de ce que veulent les Européens. Morawiecki se trompe. Les Européens ne considèrent pas la Pologne comme leur leader. (Les pays anciennement sous le contrôle de l’Union soviétique se considèrent comme la « nouvelle Europe »).
Les médias (sans surprise) n’ont pas consacré beaucoup de temps à l’important discours et à la vision de M. Macron, choisissant plutôt de se concentrer sur l’interruption de deux minutes par des activistes au début de son discours. Mais Macron ne s’est pas laissé déconcentrer. Ce n’est pas parce que l’on n’est pas d’accord avec une loi (en référence à la réforme des retraites qu’il a adoptée depuis) et avec des représentants démocratiquement élus que l’on peut recourir à la violence. La réponse de Macron : « C’est CELA qui met la démocratie en danger », un message salué par de nombreux applaudissements dans l’auditorium bondé.
La réforme des retraites de Macron fera passer l’âge de la retraite de 62 à 64 ans. Seule l’Ukraine a un âge de retraite plus bas (60 ans). Même après la réforme, l’âge de la retraite en France serait encore inférieur à la moyenne européenne de 65 ans, d’autant plus que de nombreux pays européens augmentent progressivement l’âge de la retraite jusqu’à 67 ans.
Au cours des 50 minutes qui ont suivi, M. Macron a élaboré sur son « plan pour l’Europe » présenté, à l’origine, en 2017 à l’université de la Sorbonne à Paris. Dans son discours sur « l’avenir de l’Europe » prononcé à La Haye en 2023, M. Macron a souligné que « la souveraineté européenne est une nécessité. » Le président français a établi un plan d’une nouvelle doctrine de sécurité économique pour l’Union européenne. Cette doctrine donnerait à l’Europe sa propre voix, son propre choix et le pouvoir de prendre des décisions indépendantes. Un message que son homologue polonais, le Premier ministre Morawiecki, n’approuve pas.
Lors d’un discours prononcé à la Maison Blanche le 11 avril, M. Morawiecki a précisé : « La Pologne veut construire l’armée la plus puissante d’Europe. C’est pourquoi nous voulons coopérer avec l’industrie de défense la plus avancée au monde, à savoir l’industrie américaine. Et la Pologne est convaincue que seule une alliance transatlantique forte est la réponse à ce spectre de l’impérialisme, du colonialisme et du nationalisme – et de tous les impérialismes, pas seulement de la Russie. » Il poursuit en faisant indirectement référence à Macron : « Certains politiciens européens, trahis par l’ours russe, cherchent à conclure un accord avec d’autres, mais c’est le moyen de diviser l’Occident. Nous devons protéger nos nations de la propagande russe. Nous devons nous protéger contre les infiltrations. »
Manifestement, M. Morawiecki n’a pas compris M. Macron, l’un des rares politiciens européens à défendre une Europe indépendante et puissante. Alors que M. Morawiecki souhaite que l’Europe suive les États-Unis, quelle que soit la direction qu’ils prennent, M. Macron a un rêve pour l’Europe : « Notre Europe est faite de rêves. Les vrais rêveurs sont très pragmatiques, sinon ils finissent avec les rêves des autres. » Je suis un rêveur et un idéaliste, mais je ne veux pas que mes rêves soient rêvés dans une langue [étrangère], je veux que notre musique soit jouée partout. Je veux que notre littérature soit la discussion entre les différentes capitales de notre continent… Je veux que notre modèle de complexité, d’unité par le respect et la diversité soit celui qui soit préservé. C’est pourquoi nous devons réinitialiser cette transition économique. La souveraineté européenne n’est pas un concept ou un fantasme, dans ce monde dangereux. C’est une nécessité de vivre et de rêver pour nous-mêmes en tant qu’Européens.
Macron souhaite que l’Europe soit en mesure de choisir ses propres partenaires et de façonner son propre destin, plutôt que d’être, comme il l’a dit, « un simple témoin de l’évolution dramatique de ce monde […] L’Europe devrait être un émetteur de règles plutôt qu’un receveur de règles ». Pour lui, l’Europe doit atteindre cet objectif par la coopération, « dans le respect de notre esprit d’ouverture et de partenariat ». M. Macron envisage une nouvelle doctrine de sécurité économique reposant sur cinq piliers.
Le premier pilier est la compétitivité et une meilleure intégration européenne, qui passe par l’adoption de réformes, la simplification et la rationalisation de la réglementation, davantage d’innovation, la mise en œuvre d’un droit du travail compétitif et l’investissement dans le capital humain.
Le deuxième pilier est une politique industrielle européenne. Comme le souligne M. Macron, la Chine et les États-Unis ont des politiques industrielles, mais l’Union européenne a trop longtemps évité ce sujet. La mise en place d’une politique industrielle permettra d’uniformiser les règles du jeu. L’Europe devrait être en mesure de soutenir ses industries stratégiques clés, telles que celles qui produisent des automobiles, des avions, de l’énergie, des technologies, de l’agriculture et de l’industrie de la défense. Les objectifs climatiques peuvent être atteints grâce à une politique industrielle efficace, qui impliquera des subventions au niveau européen et national et l’autosuffisance énergétique. La proposition de loi sur l’industrie nette zéro est un pas dans cette direction.
Le troisième pilier est la protection des intérêts européens. Pour M. Macron, il s’agit du « volet défensif de cette politique industrielle offensive », qui vise à protéger les intérêts vitaux et les actifs stratégiques critiques contre les actions hostiles d’entreprises étrangères ou de gouvernements non européens. À l’avenir, l’UE devra bloquer ou interdire les acquisitions étrangères dans les secteurs stratégiques. Il s’agit notamment de protéger les entreprises énergétiques, les ports, les cyberinfrastructures, la cybersécurité, les infrastructures critiques, la souveraineté numérique et les technologies de défense. La réglementation et le contrôle du pouvoir de marché des grandes entreprises technologiques font partie de ce pilier.
Le quatrième pilier est la réciprocité. Macron décrit ce pilier comme « une approche transactionnelle et mutuellement bénéfique » pour une nouvelle génération d’accords commerciaux. Il prône un commerce équitable qui ne peut être réalisé que par une réciprocité basée sur 1.) la durabilité, ce qui signifie que toute personne faisant du commerce avec l’UE doit adhérer à l’Accord de Paris sur le climat et respecter les engagements de l’UE en matière de biodiversité. En deçà de ces critères, les producteurs de l’UE subiraient une double peine. L’accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande de 2022 devrait être le standard des futurs accords commerciaux ; 2.) l’équité et l’équilibre des concessions pour éviter tout effet préjudiciable sur l’économie de l’UE, en particulier dans les secteurs les plus sensibles ; et 3.) un mécanisme miroir, imposant des contraintes aux producteurs non européens si l’UE impose ces contraintes à ses propres producteurs.
Le cinquième et dernier pilier de M. Macron est la coopération. L’UE doit renforcer son programme de coopération ainsi que ses rôles et instruments multilatéraux. Le modèle européen doit servir de modèle au niveau international. Ce pilier impliquerait par exemple la revitalisation de l’OMC et l’engagement de veiller à ce que les pays tiers respectent les normes élevées de l’UE. Comme condition d’accès au marché unique de l’UE, les droits fondamentaux, la diligence raisonnable, la protection des espèces et des environnements menacés et la lutte contre le travail forcé ou le travail des enfants peuvent être appliqués.
Selon M. Macron, ces cinq piliers de la nouvelle doctrine économique permettront de créer des emplois, de financer le modèle social européen, de lutter contre le changement climatique et, surtout, de protéger la souveraineté européenne. L’Europe prendra ses propres décisions. Comme l’a dit M. Macron, « c’est essentiel […] en temps de guerre et [lorsque] l’économie est militarisée. Tout ce qui concerne notre économie fera partie de la sécurité nationale. » Cela garantira la préservation du modèle européen, de nos valeurs, de notre liberté, de nos marchés de capitaux et, surtout, de notre indépendance vis-à-vis des autres grands acteurs.
L’Europe mérite ses propres dirigeants. Le président Emmanuel Macron a prouvé qu’il était un leader qui défendait une Europe souveraine et indépendante. Il a prouvé qu’il avait une vision, un rêve pour l’Europe et la volonté de se battre pour ce qu’il appelle « l’essence de l’être » européen.
Cela vaut la peine de se battre pour l’Europe et il est temps que les Européens se réveillent avant qu’il ne soit trop tard.
Vive Macron !