Le 6 mai 2023, quelques jours seulement après qu’un recensement national a montré que la popularité de la monarchie britannique était au plus bas, Charles Windsor sera couronné roi Charles III. Charles et la reine Camilla parviendront-ils à persuader le public britannique que la monarchie a toujours sa place dans la société multicuturelle du pays ? Et pourront-ils atteindre le niveau élevé de service et de dévouement au Royaume-Uni dont a fait preuve la défunte reine Élisabeth II ?
David Deegan
5 Mai 2023
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Le 28 avril 2023, une enquête du National Centre for Social Research (NatCen), le plus grand institut de recherche sociale indépendant du Royaume-Uni, a montré que seuls 30 % des Britanniques considéraient la monarchie comme « très importante », soit la proportion la plus faible depuis que le NatCen a commencé à collecter des données en 1983.
Guy Goodwin, directeur général de NatCen, a déclaré : « Les événements et célébrations nationaux importants, tels que les jubilés, les mariages et les naissances, ont un effet clair et positif sur l’opinion de la société à l’égard de la monarchie. » Pourtant, malgré le couronnement imminent de Charles III, 45 % des personnes interrogées ont déclaré que la monarchie devrait être abolie, qu’elle n’était pas du tout importante ou qu’elle n’était pas très importante.
Il sera intéressant de voir comment le Roi Charles III, couronné le samedi 6 mai à l’abbaye de Westminster, tentera de démontrer à ces Britanniques désabusés que la monarchie, vieille de 1000 ans, est toujours d’actualité et importante.
Ses tentatives commenceront par son couronnement. Le monarque régnant est le gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre, mais le dernier recensement britannique (publié en novembre 2022) montre que moins de 50 % de la population se décrit comme chrétienne. Jusqu’à présent, les cérémonies de couronnement étaient exclusivement réservées à l’Église d’Angleterre. Pour la première fois, la cérémonie inclut des dirigeants bouddhistes, hindous, juifs, musulmans et sikhs.
L’archevêque Justin Welby, chef spirituel de l’Église d’Angleterre, a déclaré : « Le service contient de nouveaux éléments qui reflètent la diversité de notre société contemporaine. » La cérémonie comprendra également des femmes évêques pour la première fois, ainsi que des hymnes et des prières chantés en gallois, en gaélique écossais et en gaélique irlandais. Les fidèles seront également invités à réciter le « Notre Père » dans la langue de leur choix.
Le dimanche 7 mai, un concert sera donné au château de Windsor par le « Coronation Choir », composé d’un groupe de chorales communautaires et de chanteurs amateurs de tout le Royaume-Uni, tels que des chorales de réfugiés, des chorales du NHS, des groupes de chant LGBTQ+ et des chorales de sourds.
Charles n’est pas étranger aux revirements de l’opinion publique. Son épouse et future reine, Camilla Parker Bowles, a eu des relations tumultueuses avec le public britannique. Sa liaison avec Charles lors de son premier mariage avec la princesse Diana ont fait d’elle comme une menace pour l’avenir de la monarchie britannique. Elle a été vilipendée par les tabloïd britanniques et rendue responsable de l’échec du mariage de Charles et Diana.
On ne sait pas encore comment Charles et Camilla agiront pour transformer l’opinion publique, mais après la mort de la princesse Diana en 1997, les correspondants royaux ont noté que Camilla avait judicieusement gardé un profil extrêmement bas. Ils ne se sont d’ailleurs pas mariés avant 2005.
Même après leur mariage, il n’était pas certain que Camilla serait autorisée à porter le titre de « reine, » compte tenu de la fragilité potentielle de ses relations avec le public britannique. Cependant, Camilla a constamment démontré son engagement envers les devoirs royaux et a lentement mais sûrement gagné les faveurs du public. Son action caritative en faveur de l’alphabétisation a été particulièrement bien accueillie par le public. Durant la pandémie de COVID-19, elle a lancé deux listes de lecture et un club de lecture public.
En février 2022, la reine Élisabeth II a déclaré qu’elle souhaitait sincèrement que Camilla soit « reine consort » après sa mort, démontrant ainsi ouvertement qu’elle acceptait la position de Camilla aux côtés de Charles. Cependant, l’invitation royale officielle pour le jour du couronnement a surpris de nombreux correspondants royaux, car Camilla y était mentionnée comme « reine Camilla » et non « reine consort Camilla, » ce qui a été considéré comme une « promotion » délibérée de la part de Charles.
Les efforts de Charles pour « vendre » la monarchie comme étant importante pour le public britannique ne seront pas facilités par le coût du couronnement. Contrairement aux mariages royaux, le couronnement est un événement d’État, ce qui signifie que le gouvernement britannique, et donc le contribuable britannique, doit en couvrir les coûts.
Le coût de l’organisation du couronnement de la reine en 1953 s’élevait à 1,57 million de livres sterling, ce qui équivaut à environ 47 millions de livres sterling aujourd’hui. Charles aurait voulu organiser une cérémonie de couronnement moins coûteuse que celle de sa mère, la reine Élisabeth II, en raison de la crise économique actuelle. Cependant, l’estimation initiale était de 100 millions de livres, et quelques semaines avant l’événement, une prolifération de menaces pour la sécurité et de manifestations nationales ont catalysé un renforcement de la sécurité qui aurait fait grimper le total à environ 250 millions de livres.
Le gouvernement britannique sera-t-il en mesure de récupérer son énorme investissement dans le couronnement en stimulant le tourisme et en le commercialisant dans de nombreux autres domaines ?
Si Guy Goodwin de NatCen a raison et que le couronnement aura renforcé la popularité de la monarchie, combien de temps cela durera-t-il ? Si l’on en croit les précédents opinions publiques britanniques, le pendule sera probablement très sensible aux futures actions du roi.
Charles devra relever le défi de combler le vide laissé par sa mère bien-aimée et très respectée, la reine Élisabeth II, qui, tout au long de sa longue vie, a démontré son dévouement à ses sujets et à son pays par des actes plutôt que par des paroles. Elle est donc la norme à l’aune duquel le destin de la monarchie sera inévitablement jugé.