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Le Premier ministre indien Narendra Modi a récemment annoncé un nouveau corridor de transport lors du sommet du G20 à Delhi, qui, selon lui, façonnera le commerce mondial pendant des siècles. Ce corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe (IMEC) a été dévoilé par le président américain Joe Biden et le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman, marquant un changement dans leurs relations et servant potentiellement de contrepoids à l’initiative chinoise Belt and Road Initiative (BRI). L’IMEC peut-il vraiment devenir un projet qui change la donne et redéfinit la dynamique du commerce mondial ?

IMEC : Corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe

Le corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe (IMEC) est une initiative novatrice qui devrait remodeler le commerce mondial et la connectivité en favorisant l’intégration économique et en facilitant la circulation des biens et des personnes entre l’Asie, le golfe Persique et l’Europe. Le projet, lancé avec la signature d’un protocole d’accord le 10 septembre 2023 lors du sommet du G20 à New Delhi, a attiré l’attention de la communauté internationale en raison de son potentiel à renforcer les liens de transport et de communication à une échelle sans précédent.

L’IMEC, qui envisage un corridor reliant l’Inde à l’Europe en passant par des pays clés, notamment les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, la Jordanie, Israël et la Grèce, a été salué comme une contre-mesure stratégique à l’initiative chinoise « nouvelle route de la soie » (BRI). Cet ambitieux corridor économique devrait utiliser des réseaux ferroviaires et maritimes, ce qui permettra non seulement d’accélérer le commerce, mais aussi d’offrir une alternative au canal de Suez.

Les réactions à l’IMEC ont été mitigées. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué le projet parce qu’il contourne la Turquie et a proposé un itinéraire alternatif : le « Projet de route de développement de l’Irak », qui relierait le golfe Persique à l’Europe par des voies ferrées et des autoroutes passant par les ports des Émirats arabes unis, du Qatar et du port de Grand Faw, actuellement en construction en Irak.

L’IMEC face à l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » (BRI)

Depuis son lancement en 2013, les objectifs de la BRI se sont progressivement écartés de sa vision initiale. Plutôt que de se concentrer uniquement sur les infrastructures de logistique et de transport, Pékin a élargi son interprétation de la BRI pour englober un large éventail d’autres projets d’infrastructure dans le monde entier. Les banques chinoises ont proposé des prêts pour divers projets, dont beaucoup ont fini par servir principalement les intérêts commerciaux chinois, en particulier en Afrique. Les gouvernements africains ont été les premiers à s’interroger sur la raison d’être économique de l’initiative de coopération régionale.

La diplomatie chinoise « piège de la dette », un terme inventé en 2017 par un universitaire indien, Brahma Chellaney, fait référence à la situation dans laquelle la Chine, en tant que pays puissant, prête de l’argent à une nation moins développée. Lorsque le bénéficiaire peine à rembourser, la Chine, en tant que prêteur, peut tirer parti de cette dette pour promouvoir ses intérêts, ce qui peut avoir un impact sur la souveraineté et l’indépendance du bénéficiaire. La Chine a été accusée de recourir cette diplomatie dans plusieurs pays, notamment en Malaisie et au Sri Lanka.

Cependant, il est essentiel de reconnaître que les projets de la BRI ont été initiés par les gouvernements bénéficiaires pour leurs propres agendas et pour le bénéfice de l’élite locale. Le système chinois de financement du développement se caractérise par une coordination peu rigoureuse et une faible réglementation en raison de la diversité des sources de financement, d’une transparence limitée et de la priorité accordée aux intérêts commerciaux et stratégiques. Cette situation, combinée à la corruption et au manque de diligence dans le pays bénéficiaire, produit souvent des résultats médiocres à des coûts importants, ce qui entraîne une réaction négative à l’égard de la Chine.

En réponse à la baisse d’intérêt pour les projets d’infrastructure, la Chine semble réorienter la BRI pour aider les pays en développement à s’industrialiser en finançant des usines et des installations industrielles. Si cette évolution peut répondre à certaines préoccupations des pays hôtes qui reçoivent des investissements de la BRI, elle pourrait également avoir des conséquences inattendues, telles qu’une concurrence accrue avec les produits chinois sur le marché mondial.

Le dernier forum sur la BRI, qui s’est tenu en octobre 2023 en Chine, a vu le nombre de participants de haut niveau diminuer, notamment en provenance d’Europe. Les implications géopolitiques de la BRI, exacerbées par l’alignement de Pékin sur Moscou dans le conflit russo-ukrainien, suggèrent un changement de perception des pays européens quant aux intentions de la Chine.

Une étude récente publiée en 2023 par un groupe d’organisations, dont la Banque mondiale et la Harvard Kennedy School, a révélé que la Chine a dépensé environ 240 milliards d’USD entre 2008 et 2021 pour aider 22 pays en développement ayant des difficultés à rembourser les prêts contractés pour les projets d’infrastructure de la BRI. Environ 80 % de ces fonds de sauvetage ont été dépensés entre 2016 et 2021, principalement au profit de pays à revenu intermédiaire tels que l’Argentine, le Pakistan et l’Égypte. L’étude a montré que les projets de l’IRB ont diminué depuis 2016, en partie à cause de la sous-performance des projets.

L’IMEC peut-elle rivaliser avec la BRI ?

La comparaison entre l’IMEC et la BRI montre que les grandes ambitions de la BRI se sont estompées, avec un ralentissement des prêts pour les projets, une sous-performance des projets d’infrastructure, et des pays comme l’Italie qui ont exprimé leur désir de se retirer en raison de préoccupations concernant le manque de transparence.

Si l’IMEC est considérée comme une réponse à la BRI, elle est jugée moins ambitieuse et peu susceptible de changer la donne à l’échelle de la BRI. L’avance prise par la Chine pendant une décennie, associée à ses investissements substantiels, a permis d’étendre la portée de la BRI à plus de 150 pays. En outre, l’IMEC doit faire face à la concurrence du canal de Suez, qui fait partie intégrante de la BRI et qui offre actuellement un transport maritime moins cher et plus rapide.

Malgré ces défis, l’IMEC vise à aller au-delà du commerce et des services pour inclure des secteurs tels que l’infrastructure électrique et la cybersécurité. Ces secteurs pourraient s’aligner sur la BRI ou lui faire concurrence. Toutefois, la capacité de l’IMEC à concurrencer l’influence de la BRI dépend de facteurs tels que la portée et l’échelle des projets, l’importance et la disponibilité du financement, le soutien international et, surtout, les réalités géopolitiques et régionales.

À mesure que l’IMEC prend de l’ampleur, ce projet a le potentiel de transformer les routes commerciales mondiales, mais il doit faire face à des obstacles à sa réalisation. L’avenir de ce corridor économique sera sans aucun doute suivi de près par les gouvernements et les entreprises du monde entier.

Photo : 9 septembre 2023, New Delhi, Inde : Le Premier ministre indien Narendra, au centre, serre la main du président américain Joe Biden, à droite, et le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman, à gauche, l’événement Partnership for Global Infrastructure and Investment & India-Middle East-Europe Economics Corridor lors du sommet du G20 au Bharat Mandapam, le 9 septembre 2023 à New Delhi, en Inde. © IMAGO / ZUMA Wire
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