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La dépendance numérique, les confinements pandémiques, la glorification du « moi », les achats en ligne, l’apprentissage à distance et les réalités alternatives du métavers contribuent à l’isolement d’un nombre croissant de personnes dans le monde. Bien que les causes de la solitude puissent différer, la réalité et les effets demeurent. On n’est jamais trop jeune ou trop vieux pour se connecter ou se sentir seul. Dans le nouveau conflit entre les réseaux sociaux et la connectivité sociale, les réseaux sociaux ont gagné jusqu’à présent. Lorsque la connectivité sociale est perdue, le tissu qui maintient la cohésion de la société l’est aussi. L’ère de la solitude est arrivée.

La pandémie de solitude fait des ravages au-delà des frontières et des cultures, et constitue un effet inévitable de la quasi-disparition des liens sociaux et de la conscience de groupe. Les individus se concentrent de plus en plus sur eux-mêmes et réduisent/éliminent les liens sociaux réels au profit des réseaux sociaux et d’autres interactions numériques. La montée en puissance du métavers en tant que réalité alternative n’a fait qu’aggraver une situation déjà désastreuse.

Ce que de nombreuses personnes dans le monde vivent aujourd’hui, c’est la glorification du « moi », par tous les moyens. Cela inclut les publications bizarres et souvent dangereuses sur les réseaux sociaux, l’envie d’atteindre la célébrité et de faire les gros titres à tout prix.

Plusieurs générations ont grandi collées à l’écran de leur ordinateur, de leur téléphone portable et d’autres appareils numériques. Ils sont dans un état de servitude vis-à-vis les réseaux sociaux. Ils n’osent pas perdre une seule seconde. Ce faisant, on leur a fait croire qu’ils se « connectaient », alors qu’en réalité, ils s’isolent et se déconnectent d’eux-mêmes et des autres.

Parallèlement à tout cela, il y a l’incapacité et le désintérêt de nouer des liens sociaux dans la vie réelle. Dès la fin du XXe siècle, les éducateurs, les psychologues et d’autres ont observé chez les jeunes une obsession pour leur ordinateur et leur téléphone portable, au point que les universités ont limité le temps qu’ils étaient autorisés à y consacrer. D’autres facteurs influençant la solitude sont les confinements et l’affaiblissement des liens familiaux. L’augmentation de l’apprentissage à distance et du commerce en ligne a également alimenté cette dépendance numérique.

Dans le nouveau conflit entre les réseaux sociaux et la connectivité sociale, les réseaux ont gagné, du moins jusqu’à présent. Aujourd’hui, on constate certains des effets dangereux de la victoire des réseaux et de la perte du lien social, notamment le nombre considérable de personnes touchées par la solitude et l’augmentation du nombre de suicides. Le groupe touché ne se compose pas seulement d’un grand pourcentage de jeunes, mais aussi de personnes plus âgées. Les causes de la solitude peuvent varier, mais la réalité et les effets de la solitude demeurent. On n’est jamais trop jeune ou trop vieux pour nouer des liens ou se sentir seul.

En effet, comme on pouvait s’y attendre, des chercheurs et des universités d’avant-garde étudient déjà les statistiques et autres caractéristiques de la solitude, soutenus, bien sûr, par des subventions et des fonds provenant de sources sérieuses.

Ainsi, l’ère de la solitude est arrivée, causée non seulement par l’obsession et le manque de contrôle des réseaux sociaux, mais aussi par leurs effets sur l’organisation sociale et la connectivité sociale. Ces facteurs ont également joué un rôle clé dans l’attitude de nombreuses personnes à l’égard non seulement des liens sociaux réels, mais aussi du travail. Ils ne se rendent peut-être pas compte qu’ils vivent du travail des générations précédentes, c’est-à-dire de la valeur créée par leur travail, le capital associé, et les protections sociales obtenu. Pour maintenir ces systèmes, ce capital doit être reconstitué, toujours par le travail.

L’érudit du XIVe siècle Ibn Khaldoun, dans son chef-d’œuvre, La Muqaddimah : Une introduction à l’histoire, Ibn Khaldoun a appelé à la création d’une science pour expliquer la société et a poursuivi en exposant ces idées dans La Muqaddimah. Ibn Khaldoun était un sociologue, philosophe et historien arabe largement reconnu comme l’un des plus grands spécialistes des sciences sociales du Moyen Âge et considéré par beaucoup comme le père de l’historiographie, de la sociologie, de l’économie et des études démographiques. Il a identifié et souligné la nature et la nécessité de l’asabiyyah ou sentiment de groupe, c’est-à-dire des liens sociaux et de la coopération, comme étant essentiels au maintien d’une civilisation, de ses réalisations et de ses valeurs.

Dans La Muqaddimah, Ibn Khaldoun a déjà écrit sur le rôle essentiel de la connexion sociale ou du sentiment de groupe, asabiyyah en arabes ( عصبية), pour un groupe social ou une société. L’asabiyyah est le lien social et la coopération qui assurent la cohésion d’un groupe.

En fin de compte, Ibn Khaldoun estime que c’est l’asabiyyah, la conscience de groupe et le lien social, qui assure la cohésion d’une civilisation, et qu’il n’y a manifestement pas de place pour la solitude là où l’asabiyyah existe. Il conclut que la perte de l’asabiyyah est un prélude à la dissolution d’une société, et que le déclin de ce matériau de liaison d’une civilisation entraîne celui de la civilisation elle-même.

Photo : Photo en niveaux de gris, personne marchant sur un pont en bois au bord de l’océan, concept : séparation des départs © wirestock on freepik
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