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L’Europe, les États-Unis et la Chine sont engagés dans une course contre la montre pour exploiter l’énergie solaire au moyen de fermes spatiales en orbite autour de la Terre. L’ESA, l’Agence spatiale européenne, a lancé son projet SOLARIS en 2022. La viabilité économique des fermes solaires spatiales en cours de développement déterminera leur sort.

« L’abandon des combustibles fossiles » et le triplement de la capacité des énergies renouvelables d’ici à 2030 sont quelques-uns des engagements pris par nos dirigeants lors de la 28e réunion annuelle de la Conférence des Parties des Nations unies sur le changement climatique. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a souligné que le respect de l’engagement de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C nécessitait l’élimination complète des combustibles fossiles. Le résultat de la COP 28 peut encore être considéré comme historique, marquant le début de la fin des énergies non renouvelables. Pourtant, la lutte contre le changement climatique n’est pas une mince affaire. Elle nécessite des investissements importants ou le développement de nouvelles technologies.

La production d’énergie dans l’espace est l’une des nouvelles technologies respectueuses de l’environnement les plus prometteuses et les plus révolutionnaires. L’Europe ouvre la voie avec le projet Solaris de l’Agence spatiale européenne (ESA), lancé en 2022.Il vise à évaluer la viabilité et la rentabilité de la construction de fermes solaires dans l’espace. L’idée n’est pas nouvelle puisqu’elle a été conçue il y a une cinquantaine d’années à une époque où les technologies étaient moins avancées et les financements rares. Aujourd’hui, grâce au développement de nouvelles technologies et à l’approche coopérative des pays européens, l’ESA se rapproche d’un avenir où les fermes solaires pourraient potentiellement devenir l’une des sources d’énergie renouvelable les plus fiables.

Space based solar power
© ESA

L’architecture d’une ferme solaire spatiale consiste de millions de satellites recouverts de panneaux photovoltaïques stationnés en orbite pour capter la lumière du soleil et la transformer en énergie, qui serait ensuite transférée sans fil vers la Terre. L’un des principaux avantages d’un tel système est qu’il fournit une source continue de production d’énergie en raison de l’absence de nuages et de saisons en orbite, ce qui profite particulièrement aux pays moins ensoleillés d’Europe.

Les stations d’énergie en orbite ont un impact environnemental plus faible que les fermes solaires terrestres grâce à leur efficacité liée à la disponibilité constante de la lumière du soleil. Les experts soulignent la réduction de 50 % des émissions de carbone par rapport aux fermes solaires terrestres grâce à une productivité accrue, ce qui signifie aussi une plus grande production d’énergie en moins de temps. Cependant, malgré ces avantages, les fermes solaires orbitales ne remplaceraient pas les énergies renouvelables terrestres, mais les compléteraient.

Le développement de fermes solaires dans l’espace permettrait de produire 40 fois plus d’énergie que sur Terre. La demande d’énergie devant doubler au cours des 30 prochaines années en raison de la croissance exponentielle de la population qui devrait atteindre 9 milliards de personnes d’ici 2050, le recours à l’énergie produite en orbite pourrait être d’une importance capitale, non seulement pour diminuer progressivement les sources d’énergie non renouvelables, mais aussi pour réduire la dépendance à l’égard de certains grands pays producteurs d’énergie. Le succès de l’étude Solaris et la mise en œuvre ultérieure de fermes solaires pourraient aider l’Europe à devenir indépendante sur le plan énergétique et à atteindre ses objectifs en matière de climat.

À long terme, cette ressource inépuisable cultivée dans l’espace fera baisser les coûts énergétique grâce aux futures économies d’échelle. Le partage des connaissances entre les pays européens peut contribuer à réduire les coûts, à stimuler les investissements dans la recherche et le développement et à améliorer la capacité de production des nouvelles technologies, ce qui serait essentiel pour faire de l’initiative de l’ESA un succès. Des entreprises telles que SpaceX et Blue Origin déploient des fusées réutilisables qui sont environ 30 fois moins chères que les fusées des années 1970 et 1980 lorsque l’idée d’installer des panneaux solaires dans l’espace a été développée pour la première fois. Aujourd’hui, l’entreprise facture environ 1 500 USD par kilo de charge utile pour atteindre l’orbite basse.

Solar Farming
Solar power going down. © ESA

Bien que les Européens jouent un rôle important dans la recherche sur les fermes solaires en orbite, ils ne sont pas les seuls à participer à cette nouvelle compétition spatiale, car d’autres pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine visent des objectifs similaires. Le géant asiatique, par exemple, a annoncé en 2019 son intention de lancer le programme ZhuRi (« chasse-soleil ») et d’installer en orbite une centrale pilote produisant 20 mégawatts d’électricité d’ici 2035. Parallèlement, la start-up britannique Space Solar vise à construire progressivement une centrale de 30 gigawatts dans l’espace d’ici 2040. L’énergie solaire spatiale permettra au Royaume-Uni d’atteindre son objectif national NetZero d’ici à 2050.

En 2021, le laboratoire de recherche de l’armée de l’air américaine (AFRL) a commencé à travailler sur un projet appelé Space Solar Power Incremental Demonstrations and Research (SSPIDR). Ce projet vise à mettre au point la technologie nécessaire pour produire de l’énergie renouvelable dans l’espace. Arachne est le nom de l’expérimentation aérienne du SSPIDR, qui testera la production d’énergie et son rayonnement en orbite terrestre basse, et dont le lancement est prévu pour 2025.

Malgré les progrès récents et les avantages incontestables de l’énergie solaire produite dans l’espace, il reste une série de défis à relever qui ne doivent pas être sous-estimés. L’un des plus préoccupants est la question de l’encombrement de l’espace, étant donné que l’on estime que plus de 8 000 tonnes de déchets spatiaux circulent dans l’espace, une quantité qui n’a cessé d’augmenter depuis le début de l’ère orbitale.

La nécessité d’un cadre juridique international pour réglementer l’activité et l’agriculture dans l’espace se fait de plus en plus pressante. Ce cadre juridique devrait aborder la question de la responsabilité des gouvernements et des autres acteurs de l’espace, et définir les responsabilités de ceux qui utilisent l’espace pour leur propre développement.

La viabilité des fermes solaires telles que le projet SOLARIS de l’ESA dépend en fin de compte des coûts associés au développement, au déploiement et à l’exploitation de ces installations. L’ESA estime le coût du premier satellite solaire d’une puissance d’un gigawatt à environ 20 milliards d’euros. Cela équivaut à la construction d’une nouvelle centrale nucléaire. Les unités suivantes produites en série bénéficieraient d’économies d’échelle, réduisant les coûts de construction et ramenant la production d’électricité à plus de la moitié de celle de l’énergie nucléaire, rivalisant avec celle des grandes centrales solaires terrestres. Ainsi, bien que l’idée de cultiver l’énergie solaire dans l’espace et de l’acheminer vers la Terre semble fantastique, il n’y a pas d’énergie solaire gratuite.

Photo : Panneaux solaires de la Station spatiale internationale en 2021.  © NASA/ESA–T. Pesquet
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