Les forêts anciennes de Colombie-Britannique et des États-Unis sont menacées d’extinction. Le pouvoir des sociétés d’exploitation forestière et de l’industrie des granulés de bois est en train d’effacer de notre planète ces témoins anciens, dont certains ont des milliers d’années. La tentative ratée de Joe Biden de protéger les forêts anciennes et matures pourrait sonner le glas de son héritage climatique. Alors que les forêts anciennes disparaissent silencieusement, elles ont trouvé de nouveaux alliés parmi les écologistes, les communautés indigènes et la communauté scientifique.
Silvia Caschera
6 novembre 2024
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L’héritage climatique du président Biden est en péril. Les « guerres du bois » des années 1970 ont repris. À l’époque, les forêts anciennes étaient attaquées par des sociétés d’exploitation forestière désireuses de couper à blanc de vastes étendues de forêts pour faire du profit. Selon Zack Porter, directeur exécutif de Standing Trees, un groupe de protection de la nature basé dans le Vermont : « M. Biden doit intervenir pour atteindre ses objectifs en matière de climat, car pour l’instant, ce processus est en train de dérailler. Depuis l’entrée en fonction de M. Biden, l’exploitation forestière a augmenté sur les terres fédérales. Les États-Unis sont critiqués pour ne pas avoir protégé leurs forêts anciennes.
Les espoirs que 2023 soit une année charnière pour l’administration Biden en matière de préservation des forêts et du climat ont été déçus. Bien que le président ait proposé de nouvelles mesures pour conserver et restaurer environ 112 millions d’acres de forêts anciennes, ses plans n’ont pas été soutenus par le service forestier américain. En outre, les défenseurs de l’environnement estiment que le plan de M. Biden laisse trop d’échappatoires pour l’abattage des arbres anciens. « Si l’administration Biden veut que ce processus soit autre chose qu’un exercice d’écoblanchiment, elle doit exercer une pression plus forte sur le Service des forêts » (Zack Porter).
Les vieux arbres sont des écosystèmes complexes qui fournissent des habitats essentiels à de nombreuses espèces, y compris des espèces menacées. Elles jouent un rôle crucial dans le piégeage du carbone, contribuant à lutter contre le changement climatique en absorbant le dioxyde de carbone. En outre, ces forêts soutiennent les communautés indigènes et offrent des possibilités de loisirs qui profitent à l’économie locale.
La Colombie-Britannique (B.C.) fait également l’objet de vives critiques de la part des environnementalistes et des écologistes. À l’instar des États-Unis, la Colombie-Britannique abrite certaines des forêts tropicales anciennes les plus anciennes et les plus vitales sur le plan écologique. Ces forêts, avec leurs arbres séculaires imposants, sont aujourd’hui au cœur d’un débat controversé sur l’exploitation forestière et la conservation de l’environnement.
Malgré leur importance écologique, les forêts anciennes ont été largement exploitées. Un article publié en 2022 par Ken Lertzman, de l’université Simon Fraser, a révélé qu’entre 1860 et 2016, 87 % de l’exploitation forestière a eu lieu dans les forêts anciennes de la Colombie-Britannique. L’industrie forestière justifie ses activités d’exploitation forestière par la création d’emplois et les contributions économiques.
Pourtant, l’exploitation des forêts anciennes à de graves répercussions sur l’environnement. Elle réduit la biodiversité, perturbe les écosystèmes et libère de grandes quantités de dioxyde de carbone, aggravant ainsi le changement climatique. La disparition de ces forêts affecte également les communautés indigènes qui en dépendent pour leur culture et leur subsistance. Les défenseurs de l’environnement soutiennent que les coûts écologiques et sociaux à long terme dépassent de loin les avantages économiques à court terme.
En réponse à la pression de l’opinion publique, la Colombie-Britannique a annoncé des mesures visant à différer l’abattage dans certaines zones de forêts anciennes. En février 2024, plus de 2,42 millions d’hectares de forêts anciennes feront l’objet d’un report ou d’une protection. Ce chiffre s’ajoute aux quelque 3,7 millions d’hectares déjà protégés. Les critiques estiment toutefois que ces mesures sont inadéquates et manquent de transparence.
La pratique controversée de l’exploitation forestière connue sous le nom de colocalisation est également au cœur de ces guerres du bois. La colocalisation, bien que légale, soulève des questions cruciales sur l’équilibre entre les intérêts économiques et la conservation de l’environnement. Il s’agit de la pratique consistant à inclure des habitats protégés pour la faune et la flore dans les zones d’exploitation forestière désignées sur le papier. Cette pratique permet aux entreprises forestières d’exploiter davantage d’arbres anciens ailleurs, sous prétexte de maintenir la protection globale de l’habitat. Il s’agit essentiellement d’une échappatoire qui permet d’accroître les activités d’exploitation forestière tout en respectant ostensiblement les réglementations en matière de conservation.
Les écologistes affirment que la colocalisation sape les efforts de conservation réels en autorisant l’exploitation forestière dans des zones qui sont censées être protégées. Cette pratique met en péril la survie des espèces qui dépendent des forêts anciennes. Les partisans de la co-localisation, principalement issus de l’industrie forestière, affirment au contraire qu’il s’agit d’une pratique nécessaire pour équilibrer la croissance économique et la protection de l’environnement. Ils affirment que le secteur forestier est vital pour l’économie de la Colombie-Britannique, qu’il fournit des emplois et soutient les communautés locales. Selon eux, la colocalisation permet des pratiques d’exploitation forestière durables qui ne nuisent pas de manière significative aux populations d’animaux sauvages.
La légalité de la co-localisation ne la met pas à l’abri d’un examen éthique. Ses détracteurs estiment qu’il s’agit d’une forme d’évasion réglementaire qui privilégie les gains économiques à court terme au détriment de la santé environnementale à long terme. Ils demandent des réglementations plus strictes et des pratiques plus transparentes afin de garantir que les efforts de conservation ne soient pas compromis.
Une nouvelle menace émane de l’industrie des granulés de bois, qui exporte du bois comme biocarburant vers l’Europe et l’Asie, présenté comme une alternative « renouvelable » au charbon. La Colombie-Britannique délivre des permis pour cette exploitation forestière, ce qui permet à l’UE d’importer et de brûler ces granulés en toute légalité, conformément à de vagues normes de durabilité élaborées avec la participation de l’industrie. Ces industries affirment n’utiliser que des déchets de scierie et des résidus d’exploitation forestière pour fabriquer des granulés de bois, alors que tout arbre ne convenant pas pour le bois d’œuvre est classé comme résidu. De grosses grumes sont livrées aux usines de granulés et des forêts jusqu’alors intactes sont exploitées pour alimenter l’industrie des granulés.
En 2019, le Canada a exporté 3,3 millions de tonnes de granulés de bois, principalement à partir d’arbres entiers, vers le Royaume-Uni, l’Union européenne et le Japon. Bien que la combustion du bois émette plus de CO2 que le charbon, les réglementations internationales la promeuvent comme une source d’énergie renouvelable à « zéro émission de CO2 », en accordant des subventions substantielles aux installations de chauffage au bois. Cette pratique prétend faussement réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en augmentant la pollution par le CO2. Il est urgent que les politiciens reconnaissent que brûler des arbres n’est pas une solution d’énergie renouvelable.
Une forêt est plus qu’une simple collection d’arbres ; c’est un écosystème plein de vie, qui se régénère constamment et maintient un équilibre écologique délicat. La promotion de l’exploitation forestière nuit à la biodiversité et endommage les écosystèmes, y compris le nôtre.